Principe d’assujettissement à la TVA des professionnels libéraux
Champ d'application de la TVALe champ d’application de la TVA vise toutes les activités économiques exercées de manière indépendante (CGI, art. 256 et 256 A).
Les membres des professions libérales constituent donc des « assujettis » à la TVA, même si certains ne sont pas redevables en raison d’une exonération ou du bénéfice de la franchise en base.
Activités hors champ d’application
N’entrent pas dans le champ d’application de la TVA :
- Les opérations réalisées dans le cadre d’une activité salariée (critère d’indépendance non satisfait en raison de l’existence d’un lien de subordination).
A noter : selon la cour administrative d'appel de Paris, les redevances perçues passivement au titre de l'exploitation de son droit à l'image par un mannequin selon les missions confiées par son employeur, même si elles sont imposables dans la catégorie des BNC en application de l'article L. 763-2 du Code du travail alors applicable (devenu L. 7123-6 du même Code), constituent un accessoire indissociable de l’activité salariée exercée sous lien de subordination et n'entrent pas dans le champ d'application de la TVA (CAA Paris, 14 décembre 2010, n° 08-32073, v. la même solution en matière de contribution économique territoriale (CET) et de modalités d'appréciation des seuils du régime déclaratif spécial - micro-BNC). - Les opérations réalisées dans le cadre de la gestion du patrimoine privé (certaines locations de locaux nus peuvent toutefois être soumises à la TVA sur option).
- Les opérations ne présentant pas un caractère onéreux, en raison de l’absence soit de contrepartie, soit de lien direct entre la contrepartie et le service rendu.
Pour ces opérations, les professionnels n’ont pas la qualité d’assujetti à la TVA.
Professionnels libéraux assujettis et redevables de la TVALa plupart des professionnels libéraux sont assujettis et redevables de la TVA au titre de leurs prestations de services
Sauf exonération expresse ou application du régime de la franchise en base, les honoraires tirés d’une activité libérale doivent être soumis à la TVA française lorsque l’opération est localisée en France.
Peu importe à cet égard les moyens mis en œuvre pour l’exercice de l’activité, le cadre juridique dans lequel la profession est exercée (entreprise individuelle, cabinet de groupe, contrat d’association, de collaboration, société de fait, SCP, société de personnes ou de capitaux …), la qualité des bénéficiaires des prestations (personnes privées, Etat, collectivités publiques…) ou encore le caractère bénéficiaire ou déficitaire de l’activité exercée.
Liste non exhaustive des activités effectivement soumises à la TVA
Font partie des activités libérales imposables (cette liste n’étant pas exhaustive) :
- les activités d’études et de recherche (ingénierie, architecture, travaux d’études de caractère technique, industriel, économique, financier, informatique, publicité…) ;
- les activités de conseil et d’assistance (conseil en brevets et propriété industrielle, en informatique, en organisation, en formation, en publicité, en études de marché…) ;
- les activités d’expertise (expertises judiciaires et ce quelle que soit la situation au regard de la TVA de l’activité développée par ailleurs par les experts, expertises immobilières, graphologiques, prestations des experts-comptables, géomètres experts, expertises psychiatriques depuis le 1er janvier 2014) ;
A noter que les expertises médicales, qu’elles soient réalisées dans le cadre d’une instance ou dans celui d’un contrat d’assurance, sont désormais soumises à la TVA.
- les activités d’analyse, à l’exception des travaux d’analyse de biologie médicale qui sont exonérés (travaux d'analyses chimiques ou industrielles ainsi que les travaux de sondage ou de reconnaissance des sols…) ;
- les activités des membres des professions juridiques et judiciaires (notaires, huissiers de justice, greffiers près les tribunaux de commerce et de grande instance statuant commercialement, commissaires aux comptes, mandataires liquidateurs et administrateurs judiciaires, avocats sauf application de la franchise en base particulière…) ;
- les soins dispensés par les vétérinaires, ainsi que, bien entendu, les ventes de médicaments pour animaux ;
- les artistes, auteurs et interprètes (BOI-TVA-CHAMP-10-10-60-20), pour la livraison de leurs oeuvres et cession de leurs droits, avec toutefois de nombreuses particularités (franchise en base particulière, taux réduits, retenue à la source pour la TVA sur droits d’auteur) ;
En revanche, n'entre pas dans le champ d'application de la TVA la rémunération versée au titre de l'exercice du droit de suite (CJUE, 19 décembre 2018, n° C-51/18) et de la rémunération pour copie privée des auteurs, interprètes et producteurs (CJUE, 18 janvier 2017, n° C-37-16, solution confirmée par la décision de rescrit du 8 juin 2018 publiée sur le site internet de l'Afnum (BF 8-9/18 n° 715, distinguant entre la rémunération non soumise à la taxe versée aux auteurs, interprètes et producteurs, et le prix final soumis à la taxe), dans l'attente de la modification sur ce point du BOI-TVA-CHAMP-10-10-60-20, n° 130.
- les traducteurs et interprètes (y compris ceux traduisant dans la langue des signes), même s'ils sont collaborateurs occasionnels du service public (CE, 6 mars 2015, n° 377093. - CAA Bordeaux, 13 avril 2021, n° 19-04025, refus d'admission du pourvoi par CE, 5 mai 2022, n° 454525) ;
- les guides et accompagnateurs, sauf lorsqu'ils facturent séparément les prestations d'enseignement (BOI-TVA-CHAMP-10-10-60-50, n° 300 et suiv.) ;
- les sportifs pour les prestations effectuées à titre indépendant et onéreux (exemple : prestations publicitaires réalisées hors du contrat de travail, telles que campagnes publicitaires ou concession du droit d’utiliser le nom et l’image du sportif, sauf si cette opération n’est pas détachable du contrat de travail). Ne sont donc pas soumises à la TVA les rémunérations qui leur sont versées par leur club, les cachets, prix ou primes perçus à l’occasion de compétitions ou épreuves sportives, les sommes perçues au titre de l’aide personnalisée allouée par le Comité national olympique et sportif français aux athlètes de haut niveau (BOI-TVA-CHAMP-10-10-60-50, n° 340 et suiv.) ;
- les dresseurs d’animaux (à noter que les entraîneurs de chevaux de course sont soumis à la TVA selon les modalités du régime agricole) ;
- les personnes qui exercent une activité de prostitution à titre indépendant, peu importe son caractère illégal. Néanmoins, dans la généralité des cas, les personnes concernées exercent leur activité sous la surveillance étroite et constante des proxénètes. Lorsque tel est le cas, la condition tenant à l'exercice indépendant de l'activité n'est pas satisfaite et les personnes intéressées n'ont pas la qualité d'assujetties à la TVA (réponse ministérielle Blondin n° 08943 du 25 avril 2019).
- les médiateurs désignés par les juridictions administratives (réponse ministérielle Herzog n° 09715 du 17 octobre 2019 ;
- les arbitres de football professionnel (CE 18 janvier 2008, n° 303824, RJF4/08 n° 418) ;
- les activités diverses (agents commerciaux, détectives privés, représentants libres, inventeurs, mages, magnétiseurs, voyants…).
Activités de location d'une clientèle libérale :
Sont soumises à la TVA les redevances perçues par un chirurgien-dentiste en contrepartie de location de la clientèle libérale à une SELARL, qui comporte l'exploitation d'un bien meuble incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence au sens de l'article 256 du CGI et ne peut bénéficier de l’exonération des activités de soins à la personne (CAA Versailles, 25 juin 2019, n° 17-02200).
D'une manière générale, il semble que, compte tenu de la rédaction actuelle des articles 256 et 256 A du CGI ayant soumis la quasi-totalité des activités libérales à la TVA et de la reconnaissance de la patrimonialité des clientèles civiles, les contribuables ne sont plus fondés à se prévaloir de l'arrêt du Conseil d’État qui a considéré que le fait d'avoir confié la gérance d'une partie de la clientèle d’un cabinet d'expert-comptable à une SARL n’était pas de nature à conférer à cette opération le caractère d'une « affaire » au sens de l'article 256 du CGI dans sa rédaction alors en vigueur (CE, 20 juillet 1990, N° 42926 : RJF 10/90 n° 1175).
Sociétés d'exercice libéral
Les notaires comme les avocats peuvent exercer leur activité à titre individuel, dans le cadre d'une SCP ou d'une société d'exercice libéral (SEL) qui a la forme d'une société de capitaux (société d'exercice libéral à responsabilité limitée, société d'exercice libéral par actions simplifiée etc.). Les associés d'une SEL sont réputés agir au nom et pour le compte de la société. C'est en effet cette dernière qui encaisse les paiements effectués par les clients et qui procède aux rétrocessions à ses associés en fonction de critères professionnels. Dans un tel cas, la société est donc seule redevable de la taxe due au titre des honoraires encaissés auprès de la clientèle (BOI-TVA-CHAMP-10-10-60-10, n° 185).
Professionnels libéraux assujettis mais non redevables de la TVAEtre assujetti à la TVA ne signifie pas automatiquement être redevable de cet impôt.
- Certaines prestations libérales bénéficient d’exonérations expresses :
Soins aux personnes des professions de santé
Formation professionnelle continue
Mandataires judiciaires à la protection des majeurs
Services rendus aux membres exonérés par les groupements de moyens (SCM....)
Dans ce cas, aucune déduction ne peut être pratiquée et les professionnels exonérés ne peuvent pas opter pour le paiement de la TVA.
- Certains professionnels libéraux bénéficient de la franchise en base de TVA en fonction de leurs recettes, mécanisme ayant globalement les mêmes effets qu’une exonération.
Franchise en base de droit commun
Franchises en base spécifiques (avocats, artistes / auteurs...)
Dans ce cas, aucune déduction ne peut être pratiquée, mais une option en faveur de la TVA peut être exercée.
- Les professionnels libéraux établis en France bénéficient d’une exonération « de fait » pour les prestations non localisées en France.
S'ils sont redevables de la TVA, ils peuvent toutefois déduire la TVA afférente à ces opérations.