L'évolution récente du statut juridique s’est accompagnée pour les entrepreneurs individuels (EI) d'une possibilité nouvelle d'option en faveur de l’impôt sur les sociétés (IS). Introduite par l’article 13 de la LF 2022, cette possibilité est accordée aux titulaires de BNC relevant du régime de la déclaration contrôlée, qui vont pouvoir, sans modifier leur statut juridique, opter pour leur assimilation au plan fiscal à une EURL valant option en faveur de l'IS. Attendu pour la mise en oeuvre effective de cette option, le décret n° 2022-933 du 27 juin 2022, publié au JO du 28 juin 2022, indique les conditions concernant l'exercice et la renonciation à cette option, largement inspirées du régime applicable aux entreprises individuelles à responsabilité limitée (EIRL) qui s'éteint progressivement. Si ce décret marque le début officiel de l'application de l'option pour les EI, les professionnels libéraux qui seraient tentés par un passage à l'IS doivent bien en mesurer les conséquences fiscales à long terme.
NotificationL’option est notifiée au service des impôts des entreprises du lieu du principal établissement de l’entrepreneur.
Délai d’optionL'option est notifiée avant la fin du troisième mois de l'exercice au titre duquel l'entrepreneur individuel souhaite être assimilé à une EURL, et ainsi être imposé à l’IS.
MentionsLa notification de l'option indique la dénomination et l'adresse de l'entreprise individuelle, ainsi que les nom, prénom, l'adresse et la signature de l'entrepreneur individuel qui exerce son activité dans le cadre de cette entreprise.
RenonciationLa renonciation à l'option pour l’IS, possible dans les cinq ans, est adressée au SIE du lieu de dépôt de la déclaration d’IS.
Elle contient également l'indication de la dénomination de l'entreprise individuelle, son adresse et, s'il est différent, le lieu de son principal établissement, ainsi que l'indication de l'exercice auquel elle s'applique.
Passage à l'IS : trois impôts au lieu d'un !
Fiscalement, un professionnel libéral qui exercera cette option devra probablement apporter son activité (dans l'attente des commentaires de l'Administration sur ce point), et verra son imposition scindée en trois catégories, au lieu d'une seule auparavant :
- L'impôt sur les sociétés (IS) pour le bénéfice de l'activité exercée.
Pour les PME dont le chiffre d'affaires n'excède pas 10 M €, le taux d'IS est de 15 % à hauteur des premiers 38 120 € de bénéfice fiscal, et de 25 % au-delà. - L'impôt sur le revenu (IR) dans la même catégorie que les rémunérations des gérants majoritaires de SARL (CGI, art. 62) pour les rémunérations qu'il se versera :
Ces rémunérations, déduites pour le calcul du résultat imposable à l'IS, seront imposées selon les règles des traitements et salaires et soumises au barème progressif de l'IR (en fonction donc de la composition du foyer fiscal).
Ces revenus entreront dans l'assiette des cotisations et contributions sociales, à payer à l'URSSAF et aux caisses de retraite. - L'impôt sur le revenu (IR) dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers pour les dividendes qu'il se distribuera :
Ces dividendes, non déductibles du résultat imposable à l'IS, suivront un régime qui leur est propre dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers : à ce jour, sauf option pour le barème progressif de l'IR, ils sont soumis au prélèvement forfaitaire unique au taux de 12,8 %, auquel s'ajoutent les prélèvements sociaux au taux de 17,2 % (flat tax).
Ces dividendes entreront dans l'assiette des cotisations et contributions sociales, pour leur fraction excédant 10 % du montant du bénéfice net imposable, à payer à l'URSSAF et aux caisses de retraite.
Précisions :
La protection du patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel est identique quel que soit le régime fiscal appliqué, et n'est nullement conditionnée par l'exercice d'une option en faveur de l'IS. Les professionnels libéraux déposant une déclaration 2035 bénéficient de la même protection juridique que ceux optant en faveur de l'IS.
Important :
Irrévocable à l'issue d'un délai de cinq ans, l'option fiscale en faveur de l'IS d'un entrepreneur individuel ne doit pas être prise à la légère.
En pratique, elle est généralement présentée comme intéressante en termes d'économies d'impôt immédiates pour les entrepreneurs dont le taux moyen d'imposition excède celui de l'IS (15 % jusqu'à 38 120 €, 25 % au-delà). Mais il doit être tenu compte d'autres critères plus subjectifs, tels que l'âge de l'entrepreneur, l'évolution probable de son foyer fiscal, la nécessité d'investissements importants, l'exercice dans certaines zones.
Aussi, il est recommandé de ne pas exercer cette option sans en avoir bien saisi les tenants et les aboutissants, de préférence en effectuant en amont une étude préalable et objective sur les conséquences fiscales à court et à long terme de celle-ci.
En effet, si l'option en faveur de l'IS peut, de prime abord, s'avérer séduisante au regard des économies d'impôt et de cotisations sociales projetées au-delà d'un certain niveau de revenus, les montages présentés ne doivent pas éluder les conséquences à long terme de l'option, en particulier les importants retraitements à opérer et les impositions à payer au moment de la cessation d'activité (notamment l'imposition des bénéfices et réserves non distribués, ainsi que de la plus-value reportée - même en cas de départ sans successeur !). Sans compter, à défaut d'une gestion fiscale rigoureuse, l'importance des risques liés aux sanctions fiscales - distributions occultes - en cas de prise en charge par l'entreprise individuelle d'une dépense personnelle.
Enfin, la complexité engendrée (obligation de tenir une comptabilité commerciale, trois impositions au lieu d'une, rigueur de la gestion) va nécessairement entraîner des coûts dont le professionnel libéral doit être conscient, et que le promoteur du dossier de passage à l'IS doit évidemment ne pas omettre de lui faire part.
Nous reviendrons, dans un prochain article à paraître à l'automne, plus en détail sur les conséquences d'un passage à l'IS pour un titulaire de BNC.